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“Qui vous accueille m’accueille”, ouvrir sa maison aux personnes dans la galère

Habitante de Lyon, je suis bénévole depuis 2011 dans une association : « Péniche Accueil ». La visée est de venir en aide aux personnes sans domicile fixe et/ou en grande précarité. Une péniche amarrée sur les bords du Rhône, au cœur de la ville, propose un accueil de jour, ouvert toute l’année du lundi au vendredi. Autour de l’équipe professionnelle, une trentaine de bénévoles se relaient et assurent un soutien. Cet accueil offre un lieu convivial où les personnes en difficulté peuvent venir « se poser ». Les usagers « passagers », disposent d’une salle d’accueil collectif où ils peuvent passer l’après-midi quelle que soit la saison. Des jeux de société sont à leur disposition et des collations leur sont proposées. Ils ont également accès à des services d’hygiène (douches et coupe de cheveux si besoin). Enfin, dans le cadre d’un partenariat avec «  Médecins du Monde » une infirmière peut dispenser des soins de première nécessité, deux jours par semaine. Une aide socio-administrative, assurée par des travailleurs sociaux, est également présente.
Parallèlement différentes animations sont proposées : ateliers de peintures, d’écriture, d’informatique, visites de différents lieux, participation à des activités culturelles (musées, cinéma, expositions…) ou de moments de détente en plein air (sortie vélo, pique-nique…)

La péniche

En 2015, nous réfléchissions en réunion de bénévoles comment offrir à quelques « passagers », un temps d’escapade à la campagne, en dehors de Lyon. Comme nous ne trouvions pas de solution à un prix raisonnable, j’ai pensé avec Vincent, mon mari, à la vieille ferme achetée il y a 45 ans, avec quatre couples d’amis. Une maison aménagée simplement et située dans un hameau de Haute-Loire à 1100 mètres d’altitude dans un beau paysage.  Pourquoi ne pas l’envisager comme lieu possible pour accueillir ces personnes ?

Notre proposition fut bien sûr retenue et aussitôt mise en œuvre.

Aujourd’hui, en 2019, nous venons de renouveler pour la cinquième fois ce séjour d’une durée de quatre jours et trois nuits. Durée limitée dans le temps pour que le retour « dans la rue » ne soit pas trop difficile. Quelques bénévoles et personnes de l’encadrement participent aux séjours, formant avec les  « passagers » invités (six cette année) une sorte de « famille ».  Avec un esprit de partage pour favoriser à la fois les échanges et la convivialité, tout en laissant de l’espace pour les désirs de chacun.

La maison

Que faisons-nous ? :

Nous partageons les plaisirs simples qu’offre la nature qui nous entoure. Se promener dans les bois… en découvrant que ce n’est pas aussi facile que de marcher sur le goudron…. mais tellement plus beau !… Se baigner dans le lac d’Issarlès… Observer le vol des rapaces… Se retrouver autour d’un feu et l’entendre crépiter…  Et la nuit regarder les étoiles et découvrir la grande Ourse…

Sans oublier les jeux d’équipe comme le Molki et la visite d’un château fort au bord de la Loire.

Quelques perles  que je retiens  parmi d’autres :

La simplicité avec laquelle les différents services sont pris en charge par tous : que ce soit pour la préparation des repas ou pour  la vaisselle. 

L’émotion que j’ai éprouvée en entendant prononcer ces mots par Guillaume : « C’est la première fois que je suis invité chez des gens ! ».

La joie et le rire partagés, le soir de la fête de la musique, grâce au talent de musicien et de danseur d’ Abdou.

L’étonnement éprouvé devant des attitudes inattendues : Malik, en arrivant, se met à caresser longuement les herbes hautes, Mireille s’installe dans une chaise longue, pour lever les yeux vers le ciel et  écouter les oiseaux … Il y a une place pour le silence et la contemplation !

L’émerveillement aussi devant certaines réactions comme celle d’Edon albanais qui patiemment a pris soin d’Alama guinéen, pour lui apprendre à nager…

Ou celle de Rachid, visiblement touché quand en allant chercher le lait dans une ferme du hameau, il découvre que la vie de ce fermier est aussi rude que la sienne dans la rue…

Pour Vincent et moi : nous éprouvons la joie de l’hospitalité en ouvrant ainsi notre maison.  En permettant à ces personnes de quitter pendant quatre jours leur galère quotidienne, le béton, le bruit, l’insécurité et le sommeil incertain… En leur offrant pour quelques jours un lit avec des draps, des repas préparés, mais aussi de l’espace, de l’évasion et un temps de détente physique et mentale

Et nous, nous découvrons la joie d’être témoins de ce qui s’ouvre en eux, entre eux et avec nous …Leur parole se libère peu à peu, les visages habituellement fermés s’adoucissent et laissent place au sourire… et à la bonne humeur. 

Bien sûr, cette expérience de vie partagée peut paraître dérisoire quand nous pensons à nos réalités si différentes. Le retour est difficile c’est vrai car eux retournent à la rue… et nous retrouvons notre « chez-nous ». En nous sentant bien impuissants face à tout ce qu’ils ont vécu ou vivent encore. Mais ils expriment combien ce temps a été pour eux : «  une bouffée d’oxygène ». Je crois qu’ils ont fait l’expérience de se sentir reconnus comme personnes uniques et que nous aussi nous sommes laissés transformer par ce qu’ils sont.

Alors, je pense à cette parole de l’Evangile en Mt 10, 40 qui m’habite : « Qui vous accueille m’accueille..  » nous dit le Christ,  ainsi que par une parole de Mgr Pontier : « Dans la Bible l’accueil de l’étranger est une exigence éthique qui vérifie notre conversion à la fraternité humaine. »

Bénédicte, membre de la Communauté Lyon Sud