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Comment parler librement de l’homosexualité dans nos diocèses ?

Nous sommes heureux de proposer ce témoignage d’un membre de la Communauté qui a pris une part active à l’animation de trois soirées autour de la question de l’homosexualité organisées par le Diocèse d’Evry-Corbeil-Essonnes. Un des points d’évolution de la Communauté de Vie Chrétienne au cours des 50 ans : s’ouvrir de plus en plus aux différences en son sein. Un enjeu qui ne cesse de se renouveler aujourd’hui. Ces pages sont une invitation à nous laisser déplacer en nous mettant à l’écoute de chemins de vie.

Parler sereinement de l’homosexualité dans nos communautés chrétiennes est encore rare et souvent difficile. Beaucoup de personnes dans nos paroisses cachent leur orientation[1], les proches ne se sentent souvent pas à l’aise non plus pour en parler. Certains se sentent blessés par les positions traditionnelles de l’Eglise, ou des réflexions reçues, ou le sentiment du déni de leur identité.

Les personnes homosexuelles, dans tous les pays du monde, ne représentent que quelques pourcents de la population[2]. Les débats de société les concernant ont été cependant par moment virulents. Ils ont aussi révélé des peurs de l’autre différent et la difficulté pour beaucoup d’homosexuels de se sentir accueillis par l’Eglise. La mission confiée au petit groupe chargé de la pastorale des personnes homosexuelles et de leurs proches de notre diocèse, que nous avons appelé « En parler librement », est d’être un espace chrétien de parole et d’échange pour permettre aux personnes homosexuelles de trouver leur place en Eglise et aider les communautés chrétiennes à accueillir les personnes homosexuelles comme des frères et sœurs en Christ.

Avec mon mari, nous avons été appelés à rejoindre cette équipe et nous y sommes engagés. Au printemps dernier, l’équipe a choisi de proposer dès l’automne à l’ensemble du diocèse un cycle de 4 rencontres? rodé déjà dans plusieurs diocèses, notamment du Centre Ouest. Nous avons réservé un lieu central, recherché des intervenants, préparé flyers et affiches. Nous avons assuré leur diffusion à la fois par le diocèse et en allant nous-mêmes ou par un réseau d’amis proposer les documents aux équipes pastorales, en choisissant le plus souvent possible des interlocuteurs que nous connaissions. Parfois, la réception était ouverte, parfois moins, les flyers disparaissant après notre passage. Nous avons envoyé l’invitation également à 400 personnes par mail.

Enfin, mi-octobre, la première soirée commence. Nous débutons par la projection du téléfilm « Le ciel sur la tête », de Cyril Musset (2006). Ce cycle s’inspire de la pédagogie biblique : pas d’abord un discours, mais un récit permettant de s’approcher des situations. Ce film raconte la difficulté d’un couple de parents à accueillir la nouvelle de l’homosexualité de leur fils aîné, leurs réactions si différentes, leurs interrogations, leur cheminement vers un accueil de leur fils non pas tel qu’ils l’ont rêvé, mais tel qu’il est réellement. 60 personnes sont dans la salle, les réactions au film sont nombreuses, le public prend la parole. Nous prions ensemble brièvement et terminerons chaque rencontre dans le chant « Nous sommes le corps du Christ, chacun de nous est un membre de ce corps, chacun reçoit la grâce de l’Esprit pour le bien du corps entier ».

Lors de la deuxième rencontre, nous écoutons d’abord le témoignage d’une maman de deux enfants homosexuels. Puis Yolande Fayet de la Tour, thérapeute familiale, nous apporte son éclairage sur l’homosexualité, et pourquoi elle dérange. Nous proposons des échanges en petits groupes pour permettre à chacun de réagir. Chacun peut à la fin des rencontres consulter ou acheter un livre : notre sélection de 6 livres en dépôt-vente trouvera quelques preneurs.

Lien vers la soirée du 31 octobre 

Gabriel ouvre la troisième rencontre avec son témoignage. Il vit aujourd’hui avec son compagnon Simon et ils préparent leur mariage. Il nous dit aussi tout le chemin, parfois douloureux, réalisé avec ses parents, qui ont récemment rencontré les parents de Simon. Sa joie de vivre gagne l’assemblée. Claude Besson, auteur du livre « Homosexuels catholiques, sortir de l’impasse », paru en 2012, nous explique la position de l’Eglise catholique et ses évolutions récentes, avec la nouvelle donne pastorale proposée par Amoris laetitia. Un beau poème « rencontrer l’autre » nous sensibilise à toute approche de l’autre différent.

Lien vers la soirée du 14 novembre

Notre dernière rencontre s’ouvre sur le témoignage d’un couple marié dont l’un des conjoints a des attraits homosexuels. Ils ont préféré l’anonymat et une femme de l’équipe et son mari lisent leurs témoignages. Leur foi émeut les participants et un silence se fait avant de commencer la dernière conférence par Isabelle Parmentier, théologienne impliquée dans la pastorale des personnes homosexuelles du diocèse de Poitiers. Nous comprenons que notre proposition découle de sa mission : elle nous dit comment elle a été envoyée il y a plus de 4 ans par son évêque et a monté avec d’autres ce parcours de 4 rencontres. Elle trouve important qu’il débute par le film, le récit, qui permet ensuite une parole. Et elle nous éclaire sur la manière dont Jésus s’y prend pour approcher l’autre, détecter ses lieux de souffrance, lui redonner sa dignité d’homme, lui faire confiance et le relance sur la route de la vie. Elle remet à leur place les textes de l’ancien testament et de Saint Paul si souvent mis en avant. Et montre comment Jésus veut au contraire relever chacun et lui rendre son élan.

Lien vers la soirée du 28 novembre

Cette dernière rencontre se termine par une émouvante prière appelant chacun à la conversion du cœur. Et par des dates de rendez-vous pour envisager la suite. Comment poursuivre ce parcours ? Quelles sont les attentes des uns et des autres ? Dans le public, beaucoup de chrétiens actifs dans les paroisses, quelques prêtres, et des personnes concernées personnellement ou dans leur famille.

Nous avons eu de beaux échos de ces rencontres : un papa qui a pu cheminer et mieux accepter l’homosexualité de son fils ; la collègue homosexuelle non croyante d’une femme de l’équipe venue en soutien et remuée par ce qui a été dit, un compagnon de ma communauté locale venu avec son épouse à deux rencontres qui a vécu une ouverture du cœur. Il s’est senti plus à l’aise pour oser aborder le sujet avec une maman de leur groupe de randonnée dont le fils est homosexuel. Ce fut pour cette maman une vraie libération de pouvoir en parler.

Il nous faut maintenant poursuivre et élargir nos rencontres, car dans les familles, il est encore parfois bien difficile d’aborder sereinement cette question. Heureusement, nous participons à une équipe interdiocésaine qui nous a donné l’idée de ce cycle, et avec laquelle nous continuerons à partager nos expériences.

« Seigneur, JE SUIS ton Eglise, Corps du Christ aux membres multiples et variés. Unifie ton corps Seigneur et donne-lui un seul Cœur. Ton Cœur Seigneur !  AMEN »

 

 Isabelle (Communauté Régionale Essonne)

isabelle@devenirunenchrist.net

[1] D’après la définition donnée par Xavier Thévenot, une personne a une orientation homosexuelle foncière quand elle a des attraits pour les personnes de même sexe et pas d’attrait sexuel pour des personnes de sexe opposé, indépendamment de tout choix volontaire, que ces attraits se concrétisent ou pas dans une relation physique.

[2] Il n’y a pas de chiffre fiable, hormis le nombre de mariages et de PACS de couples de même sexe, qui est de 3,5% en moyenne depuis 2013.