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La CVX Italie rencontre le pape lors d’une audience au Vatican

Les membres de la CVX Italie

Les membres de la CVX Italie et leurs proches ont pu rencontrer le pape lors d’une audience au Vatican. L’échange s’est déroulé sous forme d’un échange faits de questions-réponses entre le Pape François et l’assemblée.

Vous pourrez lire l’intégralité de ces échanges ci-dessous.

Laissons-nous interpeller par ces paroles pleines d’humilité, de disciple du Christ osant s’indigner des injustices de ce monde. Deux membres de la CVX France étaient présents, profitant de cette occasion pour remettre une pochette invitant le Pape François à s’associer à notre Congrès, à lire nos orientations et à écouter le CD de la Communauté !

à l’occasion de l’ouverture du Congrès national italien des deux groupes de spiritualité ignatienne, qui s’est tenu à Frascati du 30 avril au 3 mai, sur le thème « Au-delà des murs ».

pape-françois-cvx-italie-presidencia.gov.ar via Wikimedia Commons

* Dialogue du pape avec les participants (1/4)

Paola – Saint-Père – ce n’est pas une façon de parler – je suis Paola. Je rends un service à la prison d’Arghillà, dans la province de Reggio Calabria. Là-bas, je rencontre beaucoup de souffrance et toutes les contradictions de notre monde. Nous vous demandons une lumière. Entre nous, dans cette ambiance, il est facile de parler d’espérance, c’est un mot qui nous est familier ; mais comment le faire avec un condamné à perpétuité ? Avec un homme défini comme un « pas-de-fin-de-peine » ? Et puis je voulais aussi vous demander comment affiner notre conscience, de sorte qu’être avec ceux qui souffrent ne soit pas pour nous un simple acte de charité, mais que cela puisse convertir notre cœur, en profondeur, et nous rende capables de lutter courageusement pour un monde plus juste ? Merci, Saint-Père parce que, quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, vous faites sentir à chacun de nous que nous sommes un enfant bien-aimé.

Pape François – Paola, j’ai écrit ici tes deux questions – il y en a deux ! Tu sais que j’aime bien dire – c’est une manière de parler, mais c’est la vérité de l’Évangile – que nous devons sortir et aller jusqu’aux périphéries. Sortir aussi pour aller à la périphérie de la transcendance divine dans la prière, mais toujours sortir. La prison est une des périphéries les plus terribles, avec le plus de souffrance. Aller dans les prisons signifie avant tout se dire à soi-même : « Si je ne suis pas ici, comme elle, comme lui, c’est par pure grâce de Dieu ». Pure grâce de Dieu. Si nous ne sommes pas tombés dans ces erreurs, ou même dans ces délits ou dans ces crimes – certains sont graves – c’est parce que le Seigneur nous a tenus par la main. On ne peut pas entrer dans une prison avec un esprit du style : « je viens ici te parler de Dieu parce que, excuse-moi, tu es d’une classe inférieure, tu es un pécheur… ». Non, non ! Je suis plus pécheur que toi, et c’est le premier pas. Dans une prison, cela peut nous demander beaucoup de courage, mais nous devons toujours le dire. Quand nous allons annoncer Jésus-Christ à des personnes qui ne le connaissent pas, ou qui mènent une vie qui ne semble pas très morale, penser que je suis plus pécheur que lui, parce que si je ne suis pas tombé dans cette situation, c’est par la grâce de Dieu. Ceci est une condition indispensable. Nous ne pouvons pas aller dans les périphéries sans avoir conscience de cela. Paul, Paul en avait conscience. Il dit de lui-même qu’il est le plus grand pécheur. Il a aussi une parole très dure sur lui-même : « Je suis un avorton » (cf. 1 Cor 15,8). Mais c’est dans la Bible, c’est la Parole de Dieu inspirée par l’Esprit-Saint ! Ce n’est pas faire une tête d’image pieuse, comme on parle des saints. Les saints se sentaient pécheurs parce qu’ils avaient compris cela ! Et la grâce du Seigneur nous soutient. Si toi, si moi, si chacun de vous n’a pas cela, il ne pourra pas recevoir le mandat de Jésus, la mission de Jésus : « Allez jusqu’aux limites du monde, à toutes les nations, dans les périphéries » (cf. Mt 28,20). Et qui sont ceux qui ont été incapables de le recevoir ? Les personnes fermées, les docteurs, ces docteurs de la loi, ces personnes fermées qui n’ont pas accepté Jésus, qui n’ont pas accepté son message de sortir. Ils avaient l’air de justes, ils avaient l’air de gens d’Église, mais Jésus leur dit quelque chose qui n’est pas très beau : « Hypocrites ! ». C’est comme cela que Jésus les appelle. Et pour nous faire comprendre comment ils sont, la photo que Jésus fait d’eux est : « Vous êtes des sépulcres blanchis » (cf. Mt 23,27). Celui qui est fermé ne peut pas recevoir, est incapable de recevoir ce courage de l’Esprit-Saint, il reste fermé et il ne peut pas aller dans la périphérie. Tu demandes au Seigneur de rester ouverte à la voix de l’Esprit, pour aller dans cette périphérie. Et puis demain, peut-être, il te demandera d’aller dans une autre, tu ne le sais pas… Mais c’est toujours le Seigneur qui nous envoie. Et dans la prison, toujours dire cela, avec toutes ces personnes qui souffrent : pourquoi cette personne souffre-t-elle et moi non ? Pourquoi cette personne ne connaît-elle pas Dieu, n’a-t-elle pas d’espérance dans la vie éternelle, pense-t-elle que tout finit ici, et moi non ? Pourquoi cette personne est-elle accusée devant les tribunaux parce qu’elle est corrompue, et celui-ci… et moi non ? Par grâce du Seigneur ! C’est la plus belle préparation pour aller dans les périphéries.

Et ensuite, tu dis : « De quelle espérance puis-je parler, avec ces personnes en prison ? ». Beaucoup sont condamnés à mort… Non, en Italie, il n’y a pas la peine de mort, mais la perpétuité… La perpétuité est une condamnation à mort parce qu’on sait qu’on ne sortira pas de là. C’est dur. Qu’est-ce que je dis à cet homme ? Qu’est-ce que je dis à cette femme ? Peut-être… ne rien dire. Prendre sa main, le caresser, pleurer avec lui, pleurer avec elle… Comme cela, avoir les mêmes sentiments que Jésus-Christ. S’approcher du cœur qui souffre. Bien souvent, nous ne pouvons rien dire, rien, parce qu’une parole serait une offense. Seulement des gestes. Les gestes qui font voir l’amour. « Tu es condamné à perpétuité, ici, mais je partage avec toi ce morceau de vie de condamné à perpétuité ». Partager par amour, rien de plus. C’est cela, semer l’amour. Et puis, tu mets ton doigt dans la plaie : « Comment affiner notre conscience, pour qu’être avec celui qui souffre ne soit pas pour nous un simple acte de charité, mais convertisse notre cœur et nous rende capables de lutter courageusement pour un monde plus juste ? ». La charité est une marche : – Tu as faim ? – Oui. – Je te donne à manger, aujourd’hui. La charité est le premier pas vers le progrès. Et cela n’est pas facile. Comment faire progresser les enfants affamés ? Comment les faire progresser… Nous parlons d’enfants maintenant : comment faire progresser les enfants sans éducation ? Comment encourager les enfants qui ne savent pas rire et qui, si tu les caresses, te donnent une gifle parce que, chez eux, ils voient que leur papa donne des gifles à leur maman ? Comment les aider ? Comment encourager les personnes qui ont perdu leur travail, comment les accompagner et les faire progresser, avancer avec elles ? Avec celles qui ont besoin d’un travail parce que, sans travail, une personne se sent privée de sa dignité. Oui, elle va bien, tu lui donnes à manger. Mais la dignité, c’est que ce soit lui ou elle qui rapporte de quoi manger à la maison : c’est cela qui donne la dignité ! C’est faire progresser – le président en a parlé (le pape fait allusion au président de CVX qui a parlé avant lui) : tout ce que vous faites… Il y a une chose qui fait la différence entre la charité par habitude – je ne dis pas la charité pour sortir des difficultés les plus graves – entre la charité par habitude et faire progresser, c’est que la charité par habitude te tranquillise l’âme : « Aujourd’hui, j’ai donné à manger, maintenant je vais dormir tranquillement ». Vouloir faire progresser rend ton âme inquiète : « Je dois faire davantage… Et demain ceci, et après-demain cela, et qu’est-ce que je fais… » : cette saine inquiétude de l’Esprit-Saint. C’est ce qui me vient à l’esprit. Que ce ne soit pas pour nous simplement de la charité, mais que cela convertisse notre cœur. Et cette inquiétude que te donne l’Esprit-Saint pour trouver des voies pour aider, pour faire progresser nos frères et sœurs, cela t’unit à Jésus-Christ : c’est une pénitence, c’est une croix, mais c’est la joie. Une joie grande, grande, grande, que te donne l’Esprit quand tu donnes toi-même. Je ne sais pas si cela t’aide, ce que je t’ai dit… Parce que, quand on me pose des questions, le danger – et c’est aussi un danger pour le pape – c’est de croire que tu peux répondre à toutes les questions… Mais le seul qui puisse répondre à toutes les questions, c’est le Seigneur. Mon travail, c’est simplement d’écouter et de dire ce qui me vient de l’intérieur. Mais c’est très insuffisant et très peu.

* Dialogue du pape avec les participants (2/4)

Tiziana – Saint-Père, je suis Tiziana et je viens de Cagliari. Je suis émue et heureuse : être devant vous, c’est réaliser un rêve que j’ai depuis mon enfance. Je fais partie de la Communauté de vie chrétienne et de la Ligue missionnaire des étudiants, à travers lesquelles j’ai eu le privilège de vivre des expériences merveilleuses de communion et de service. Pourtant, aujourd’hui, en vous parlant à cœur ouvert, je vous confie que je perds parfois l’espérance. Parfois, ma fragilité est la même que celle de beaucoup de jeunes. Aidez-moi, et nous tous, à comprendre que Dieu ne nous abandonne jamais, que nous, les jeunes, nous pouvons encore rêver, au milieu de ceux qui veulent nous enlever ce cadeau.

Pape François – J’aime bien dire aux jeunes : « Ne vous laissez pas voler l’espérance ». Mais ta question va plus loin : « Mais de quelle espérance me parlez-vous, Père ? ». Il y en a qui peuvent penser que l’espérance, c’est d’avoir une vie confortable, une vie tranquille, atteindre quelque chose… C’est une espérance contrôlée, une espérance qui peut bien aller dans un laboratoire. Mais si tu es dans la vie, et si tu travailles dans la vie, avec tous ses problèmes, avec tout le scepticisme que t’offre la vie, avec tous ses échecs, « de quelle espérance me parlez-vous, Père ? ». Oui, je peux te dire : « Mais nous irons tous au ciel ». Oui, c’est vrai. Le Seigneur est bon. Mais je veux un monde meilleur et je suis fragile et je ne vois pas comment cela peut se faire. Je veux « me mêler », par exemple, au travail de la politique, ou de la médecine… Mais parfois, j’y trouve la corruption, et le travail qui devrait servir consiste finalement à faire des affaires. Je veux « me mêler » dans l’Église, et là aussi, le diable sème la corruption et souvent, il y a… Je rappelle ce chemin de croix du pape Benoît XVI, quand il nous invitait à chasser les saletés de l’Église… Même dans l’Église, il y a de la corruption. Il y a toujours quelque chose qui déçoit l’espérance et on ne peut pas comme cela… Mais la véritable espérance est un don de Dieu, c’est un cadeau, et elle ne déçoit jamais.

Mais comment fait-on, comment fait-on pour comprendre que Dieu ne nous abandonne pas, que Dieu est avec nous, qu’il est en chemin avec nous ? Aujourd’hui, au début de la messe, il y avait un verset d’un psaume très beau, très beau : « Dieu, quand tu sortis en avant de ton peuple, quand tu luttais avec nous, la terre trembla et les cieux fondirent » (cf. Ps 68,8-9.20). Oui. Mais cela ne se voit pas toujours. Seulement, une chose dont je suis sûr – j’en suis sûr, mais je ne le sens pas toujours, mais j’en suis sûr – : Dieu chemine avec son peuple. Dieu n’abandonne jamais son peuple. Il est le pasteur de son peuple. Mais quand je fais un péché, quand je fais une erreur, quand je fais quelque chose d’injuste, quand je vois tout cela, je demande : « Seigneur, où es-tu ? Où es-tu ? ». Tant d’innocents meurent aujourd’hui : où es-tu, Seigneur ? Est-il possible de faire quelque chose ? L’espérance est une des vertus les plus difficiles à comprendre. Quelques grands – je pense que c’est Péguy – disaient que c’est la plus humble des vertus, l’espérance, parce que c’est la vertu des humbles. Mais il faut s’abaisser beaucoup pour que le Seigneur nous la donne, pour que le Seigneur nous la donne. C’est lui qui nous soutient. Mais dis-moi : quelle espérance peut avoir, du point de vue naturel, pensons à un hôpital, une sœur qui, depuis quarante ans, travaille dans le service des maladies en phase terminale, et tous les jours un, et un autre, un autre, un autre… Oui, je crois en Dieu, mais l’amour que donne toujours cette femme s’épuise, s’épuise, s’épuise… et à un certain point, cette femme peut dire à Dieu : « Mais c’est cela, le monde que tu as fait ? Peut-on espérer quelque chose de toi ? ». La tentation, quand nous sommes dans les difficultés, quand nous voyons les brutalités qui se succèdent dans le monde, c’est que l’espérance semble tomber. Mais elle reste dans le cœur humble. C’est difficile de comprendre cela parce que ta question est très profonde. Comment ne pas abandonner le combat pour mener la belle vie, comme cela, sans espérance, c’est plus facile… Le service est le travail des humbles, nous l’avons entendu aujourd’hui dans l’Évangile. Jésus est venu pour servir, pas pour être servi. Et l’espérance est la vertu des humbles. Je crois que cela peut être la route. Je te parle sincèrement : il ne me vient pas à l’esprit de te dire autre chose. Humilité et service : ces deux choses gardent la petite espérance, la vertu la plus humble, mais celle qui te donne la vie.

Dialogue avec le pape François (3e partie)

  1. Bartolo – Très cher Saint-Père, je m’appelle Bartolo et je suis prêtre diocésain depuis neuf ans. Actuellement, la mission qui m’est confiée est celle de formateur de séminaristes et enseignant au Séminaire interrégional de Naples, dirigé par les pères jésuites, un lieu où l’on considère souvent les choses comme acquises : la formation en général… Depuis une dizaine d’années, je collabore avec le père Massimo Nevola dans l’animation de camps missionnaires, en particulier à Cuba, que l’on propose à des jeunes adultes de la Ligue missionnaire des étudiants. À travers ces expériences, j’ai touché du doigt les blessures du Seigneur dans la pauvreté des hommes de notre temps, ce qui m’a ébranlé et m’a poussé à chercher davantage son visage. Et cela a fortifié ma vocation sacerdotale, que je perçois de plus en plus comme un don pour toute l’humanité et l’Église. Je voulais vous demander, étant donné la présence de nombreuses paroisses : quel apport spécifique peut offrir un mouvement d’inspiration ignatienne, comme CVX, pour la formation chrétienne des animateurs en pastorale, et comme la Ligue missionnaire des étudiants pour l’implication des jeunes et leur éducation à la mondialité ? Merci.

Pape François Le président a rappelé une devise ignatienne : « contemplatif dans l’action ». Être contemplatif dans l’action ne signifie pas avancer dans la vie en regardant le ciel, parce que tu tomberas dans un trou, c’est sûr !… Il faut comprendre ce que signifie cette contemplation. Tu as dit quelque chose, une expression qui m’a frappé : j’ai touché du doigt les blessures du Seigneur dans les pauvretés des hommes de notre temps. Et je crois que c’est un des meilleurs médicaments pour une maladie qui nous touche tellement, qui est l’indifférence. Et aussi le scepticisme : croire qu’on ne peut rien faire. Le patron des indifférents et des sceptiques est Thomas : Thomas a dû toucher les blessures. Il y a un très beau discours, une très belle méditation de saint Bernard sur les plaies du Seigneur. Tu es prêtre, tu peux la trouver dans la troisième semaine du carême dans l’office des lectures, je ne me souviens pas quel jour. Entrer dans les blessures du Seigneur : nous servons un Seigneur blessé d’amour ; les mains de notre Dieu sont des mains blessées d’amour. Être capable d’entrer là…

Et Bernard poursuit : « Aie confiance : entre dans la blessure de son côté et tu contempleras l’amour de ce cœur ». Les blessures de l’humanité, si tu t’en approches, si tu touches – et c’est la doctrine catholique – tu touches le Seigneur blessé. Tu le trouveras dans Matthieu 25, je ne suis pas hérétique en disant cela ! Quand tu touches les blessures du Seigneur, tu comprends un peu plus le mystère du Christ, de Dieu incarné. C’est justement le message d’Ignace, dans la spiritualité : une spiritualité où Jésus-Christ est au centre, et non les institutions, non les personnes, non ! Jésus-Christ. Mais le Christ incarné ! Et quand tu fais les Exercices spirituels, il te dit qu’en voyant le Seigneur qui souffre, les blessures du Seigneur, efforce-toi de pleurer, d’éprouver de la douleur. Et la spiritualité ignatienne donne à votre mouvement cette voie, elle offre cette voie : entrer dans le cœur de Dieu à travers les blessures de Jésus-Christ. Le Christ blessé dans ceux qui ont faim, dans ceux qui sont ignorants, qui sont rejetés, dans les personnes âgées seules, dans les malades, dans ceux qui sont en prison, dans ceux qui sont fous… il est là.

Et quelle pourrait être la plus grande erreur pour l’un de vous ? Parler de Dieu, trouver Dieu, rencontrer Dieu, mais un Dieu, un « Dieu-vaporisateur », un Dieu diffus, un Dieu éthéré… Ignace voulait que tu rencontres Jésus-Christ, le Seigneur qui t’aime et a donné sa vie pour toi, blessé à cause de ton péché, à cause de mon péché, à cause de tous… Et les blessures du Seigneur sont partout. La clé est justement dans ce que tu as dit. Nous pouvons beaucoup parler de théologie, beaucoup… de bonnes choses, parler de Dieu… mais la voie est que tu sois capable de contempler Jésus-Christ, de lire l’Évangile, ce qu’a fait Jésus-Christ : c’est lui, le Seigneur ! Et d’être amoureux de Jésus-Christ et de dire à Jésus-Christ de te choisir pour que tu le suives, pour que tu sois comme lui. Et cela se fait dans la prière, et aussi en touchant les blessures du Seigneur. Tu ne connaîtras jamais Jésus-Christ si tu ne touches pas ses plaies, ses blessures. Il a été blessé pour nous. C’est cela la route, c’est la route que nous offre à tous la spiritualité ignatienne : le chemin…

Et je vais un peu plus loin : tu es formateur de futurs prêtres. S’il te plaît, si tu vois un garçon intelligent, bien, mais qui n’a pas fait cette expérience de toucher le Seigneur, d’embrasser le Seigneur, d’aimer le Seigneur blessé, conseille-lui de partir et de prendre un bon temps de vacances pendant un ou deux ans… et cela lui fera du bien. « Mais, Père, il y a peu de prêtres parmi nous : nous en avons besoin… ». S’il te plaît, que l’illusion de la quantité ne nous trompe pas et ne nous fasse pas perdre de vue la qualité ! Nous avons besoin de prêtres qui prient. Mais qui prient Jésus-Christ, qui défient Jésus-Christ pour leur peuple, comme Moïse qui a eu le toupet de défier Dieu pour sauver le peuple que Dieu voulait détruire, en se tenant courageusement devant Dieu ; des prêtres qui aient aussi le courage de souffrir, de supporter la solitude et de donner beaucoup d’amour. Ce discours de Bernard sur les plaies du Seigneur vaut aussi pour eux. Compris ? Merci

Dialogue avec le pape François (4e et dernier volet)

Gianni – Saint-Père, je suis Gianni, je viens de la Communauté de vie chrétienne de L’Aquila. Nous sommes engagés depuis plus de trente ans dans le volontariat, la vie associative et la politique. Alors dans notre engagement dans la vie sociale, nous voudrions que tout le monde – en particulier les plus jeunes d’entre nous – comprenne qu’au-delà du bien privé, qui prévaut trop souvent, il existe un intérêt général qui appartient à toute la communauté. Saint-Père, quel discernement peut nous venir de la spiritualité ignatienne pour nous aider à garder vivant le rapport entre la foi en Jésus-Christ et la responsabilité d’agir toujours pour la construction d’une société plus juste et plus solidaire ? Merci.

Pape François – Je crois que le père Bartolomeo Sorge répondrait bien mieux que moi à ta question – je ne sais pas s’il est ici, non, je ne l’ai pas vu… – Lui, il était très fort ! C’est un jésuite qui a ouvert la voie dans ce domaine de la politique.

Mais on entend dire : « Nous devons fonder un parti catholique ! ». Ce n’est pas la voie. L’Église est la communauté des chrétiens qui adore le Père, qui va sur la route du Fils et reçoit le don de l’Esprit-Saint. Ce n’est pas un parti politique. « Non, nous ne disons pas un parti, mais… un parti uniquement pour les catholiques ». Cela n’est pas utile et n’aura pas la capacité d’impliquer, parce qu’il fera ce pour quoi il n’a pas été appelé. « Mais un catholique peut-il faire de la politique ? – Il doit ! – Mais un catholique peut-il s’immiscer dans la politique ? – Il doit ! ».

Le bienheureux Paul VI, si je ne me trompe pas, a dit que la politique était une des formes les plus élevées de la charité, parce qu’elle recherche le bien commun. « Mais Père, ce n’est pas facile de faire de la politique, parce que dans ce monde corrompu… à la fin tu ne peux pas avancer… ». Que veux-tu me dire, que faire de la politique est un peu une forme de martyre ? Oui. Oui, c’est une forme de martyre. Mais c’est un martyre quotidien : chercher le bien commun sans te laisser corrompre. Chercher le bien commun en réfléchissant aux voies les plus utiles pour cela, les moyens les plus utiles. Chercher le bien commun en travaillant dans les petites choses, toute petites, de peu… mais c’est possible. C’est important de faire de la politique : la petite politique et la grande politique.

Dans l’Église, il y a beaucoup de catholiques qui ont fait de la politique propre, bonne ; et même qui ont favorisé la paix entre les nations. Pensez aux catholiques, ici, en Italie, de l’après-guerre : pensez à De Gasperi. Pensez à la France, Schuman, dont la cause de béatification est en cours. On peut devenir saint en faisant de la politique. Et je ne veux pas en nommer plus : deux exemples suffisent, de ceux qui veulent avancer dans le bien commun. Faire de la politique est une forme de martyre : vraiment un travail de martyre, parce qu’il faut toute la journée avancer avec cet idéal, tous les jours avec cet idéal de construire le bien commun. Et aussi porter la croix de bien des échecs, et aussi porter la croix de nombreux péchés. Parce que c’est difficile, dans le monde, de faire le bien au milieu de la société sans se salir un peu les mains ou le cœur ; mais pour cela, tu vas demander pardon, tu demandes pardon et tu continues.

Mais que cela ne te décourage pas. « Non, Père, je ne fais pas de politique parce que je ne veux pas pécher. – Mais tu ne fais pas le bien ! Va de l’avant, demande au Seigneur de t’aider à ne pas pécher, mais si tu te salis les mains, demande pardon et avance ! ». Mais faire, faire… Et se battre pour une société plus juste et plus solidaire. Quelle est la solution que ce monde globalisé nous offre aujourd’hui, pour la politique ? Simple : au centre, l’argent. Non pas l’homme et la femme, non. L’argent. Le dieu argent. Au centre. Tout le monde au service du dieu argent. Mais pour cela, ce qui ne sert pas au dieu argent est jeté.

Et ce que nous offre, aujourd’hui, le monde globalisé, c’est la culture du rebut : ce qui ne sert pas, on le jette. On rejette les enfants, parce qu’on ne fait pas d’enfants ou parce qu’on tue les enfants avant leur naissance. On rejette les personnes âgées, parce que… les personnes âgées ne servent pas… Mais maintenant qu’on n’a pas de travail, on va trouver les grands-parents pour que leur retraite nous aide ! Mais ils servent momentanément. On rejette, on abandonne les personnes âgées. Et maintenant, il faut diminuer le travail parce que le dieu argent ne peut pas tout faire, et on rejette les jeunes : ici, en Italie, les jeunes de moins de 25 ans – je ne veux pas me tromper, corrige-moi – 40 à 41 pour cent sont sans travail. On rejette… Mais c’est le chemin de la destruction. Et moi, catholique, je regarde du balcon ?

On ne peut pas regarder du balcon ! Immisce-toi là ! Donne le meilleur de toi ! Si le Seigneur t’appelle à cette vocation, vas-y, fais de la politique ! Cela te fera souffrir, cela te fera peut-être pécher, mais le Seigneur est avec toi. Demande pardon et va de l’avant ! Mais ne permettons pas que cette culture du rebut nous rejette tous ! Elle rejette aussi la création, parce que tous les jours la création est un peu plus détruite. N’oubliez pas cette parole du bienheureux Paul VI : la politique est une des formes les plus élevées de la charité. Je ne sais pas si j’ai répondu… J’avais écrit un discours… peut-être ennuyeux, comme tous les discours ; mais je le remettrai, parce que j’ai préféré ce dialogue…

Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi ! Merci

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