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Document final de la 16e Assemblée mondiale de la Communauté Vie Chrétienne – Liban 2013

« De nos racines aux frontières »

Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le (Mc 9, 7)


1. Sur la colline Fatka surplombant Beyrouth, accompagnée par Notre-Dame du Mont, notre Assemblée a pris à cœur les paroles adressées par le Père aux disciples du Christ sur une autre montagne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » (Mc 9,7). Tout comme pour ces disciples, pour nous aussi, il était bon d’être ici.

2. Nous nous sommes réunis en cette année de la Foi proclamée par l’Eglise, désireux de renouveler notre écoute du Fils bien-aimé de Dieu – en qui la Communauté de Vie Chrétienne est enracinée. Nous nous sommes réunis au Liban, reconnaissants pour notre décision et notre engagement de tenir l’Assemblée à cet endroit, malgré les diverses difficultés. C’est un pays biblique, un endroit que le Christ a parcouru en son temps. Cette réalité nous a reliés aux profondes racines de l’histoire du Salut, que nous partageons avec tout le peuple de Dieu. Nous nous sommes réunis sous les cèdres du Liban, tendus vers le ciel tout en étant profondément enracinés dans la terre toujours verte, qui nous inspirent une fraîcheur sans cesse renouvelée. Nous nous sommes réunis en cette année du 450e anniversaire des communautés laïques ignaciennes, faisant mémoire avec gratitude des racines spécifiques de notre propre histoire de grâces. Nous étions réunis avec un jeune enfant parmi nous, membre de notre famille CVX, qui nous a ravis et nous a invités à devenir nous-mêmes comme de petits enfants, avec simplicité et émerveillement.

3. Au cours de l’Assemblée, nous avons célébré le kaléidoscope des nations et des cultures représentées dans notre communauté mondiale. Nous nous sommes réjouis de ce que la richesse des nations et des cultures a été augmentée davantage encore par le dynamisme et la fraîcheur des trois nouvelles communautés nationales accueillies par l’Assemblée au nom et pour le compte de la communauté mondiale, à savoir le Botswana, le Guatemala et la Lituanie. Avec un réel sens de l’émerveillement à la vue de l’Esprit de Dieu qui est à l’œuvre dans ces membres de notre corps, nous avons entendu comment ces communautés avaient cheminé, avec l’aide des communautés qui les avaient parrainées. Nous avons été ravis par les récits de la transformation d’une relation parrain-filleul en une relation de compagnonnage au sein d’un seul et même corps. Comme le dit Paul : « Si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui » (1 Cor 12,26).

4. Dans le même temps, nous avons pris conscience de manière aiguë des tiraillements vécus par certains membres et groupes au sein de la CVX. Nous avons été touchés par les récits de souffrance au Moyen-Orient en ce moment même, tandis que ses habitants marchent à la suite du Christ dans sa passion. Par ailleurs, nous étions conscients des divisions internes qui ont empêché certaines délégations nationales de se joindre à nous, ce qui nous a rappelé que nous sommes aussi, en tant que corps, en proie à la fragilité humaine. « Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor 12,26).

5. Voici le contexte dans lequel nous nous sommes réunis à ce stade de notre croissance des racines aux frontières. Dans ce cadre, cette Assemblée reconnaît qu’être un corps apostolique laïque (Nairobi 2003), fondé dans la spiritualité ignacienne, signifie d’abord et avant tout être laïque. Ceci exige une interprétation et une déclinaison concrète proprement laïques de cette spiritualité. Nous demeurons bien sûr en communion avec tous ceux qui partagent la spiritualité ignacienne, et particulièrement avec nos frères jésuites. Cependant, notre vocation CVX est précisément une vocation ignacienne laïque, une manière particulière de vivre notre vocation fondamentale de baptisés. Nous sommes appelés à articuler et à vivre cette vocation de façon toujours plus profonde et authentique, à enraciner une vie de foi qui rende justice à un monde gémissant sous le poids de structures injustes.

6. Le corps ignacien laïque que constitue la CVX, est apostolique, au service de la mission de Dieu. De même que notre spiritualité, notre apostolat se doit d’être authentiquement laïque. Tantôt les membres de la CVX sont engagés dans des apostolats personnels, tantôt la CVX comme corps assume une présence institutionnelle ou s’engage dans une initiative internationale. Mais la base de tous ces niveaux de la mission est l’appel fondamental adressé à chaque membre de la CVX de vivre selon sa vocation ignacienne laïque au quotidien. Cela signifie être « contemplatif dans la présence et l’action », à la maison, en famille, au travail, au sein de la société civile, dans la vie politique et culturelle, en adoptant un style de vie simple. Si nous n’assumons par notre mission à ce niveau, tout ce que nous tenterons d’entreprendre aux autres niveaux sera à l’image d’ « une maison bâtie sur le sable ». Si nous vivons bel et bien notre mission à ce niveau fondamental, nous bâtirons sur le roc.

7. L’invitation à trouver Dieu dans la vie quotidienne a été confirmée par les paroles de notre assistant ecclésiastique mondial, le père Nicolas, sj. Il nous a exhortés à explorer les manières dont nous pourrions collaborer avec le monde contemporain en termes de sagesse. Il a cité le pape François comme quelqu’un qui témoigne de cette voie de la sagesse de façon très simple avec les hommes et les femmes de toutes croyances et ceux qui ne croient pas. La sagesse s’entend comme la découverte de l’action gracieuse de Dieu, non seulement au travers de ses œuvres les plus évidentes de l’histoire, mais en tout, dans la vie ordinaire. Il s’agit de la manière de procéder de la Contemplation pour obtenir l’Amour (Ex. Sp. 230-237), afin de trouver Dieu en toutes choses. Notre vocation à être une communauté laïque prophétique (Fatima 2008) demeure assurément un appel tout à fait actuel à une plus grande authenticité en nous-mêmes et avec ceux engagés dans la communauté de la foi. Mais vis-à-vis de ceux qui n’ont pas une telle base, rechercher la voie de la sagesse est susceptible de nous aider à découvrir un langage de profondeur nouveau et simple grâce auquel nous pourrons dialoguer avec les hommes et les femmes de notre temps.

8. L’invitation à emprunter la voie de la sagesse nous conforte dans la conviction que nous avons besoin de collaboration, tandis que nous reconnaissons à la fois l’immensité de la mission et nos limites bien réelles. La collaboration est la manière dont Dieu Lui-même procède. La Très Sainte Trinité s’est engagée à travers la collaboration dans l’œuvre de Salut du monde – « Opérons la rédemption du genre humain » (Ex. Sp. 107). En attendant son « Oui », Dieu a choisi Marie pour être le premier être humain associé à son œuvre de Salut. Elle est « le modèle de notre collaboration à la mission du Christ » (PG 9). Le Christ a débuté son ministère public en formant un corps, en appelant des collaborateurs qui, après la Pentecôte, constitueraient l’Eglise primitive, le corps du Christ. Quand nous évoquons le corps CVX, nous devons toujours garder à l’esprit que nous appartenons à ce corps plus large, le corps du Christ. Il n’y a pas d’avenir sans collaboration. De nouvelles attitudes et approches pour la mission exigent de nouvelles formes de collaboration.

9. La spiritualité ignacienne est centrée sur l’incarnation de Dieu dans notre réalité par Jésus Christ – au travers de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. Dès lors, nous nous sentons préparés à nous engager dans la réalité du monde contemporain, à nous laisser transformer par cette réalité et à contribuer à la transformer. Nous le faisons en apportant à la fois nos compétences professionnelles et nos outils spécifiquement ignaciens, aiguisés en fonction des besoins actuels. Ces outils comprennent les Exercices spirituels, l’examen de conscience, le processus du DESE (Discerner, Envoyer, Soutenir, Evaluer), le discernement analytique, ainsi qu’une certaine capacité d’écouter, de parler et d’agir avec simplicité et profondeur. Enracinés dans ces grâces de notre vocation, nous sommes invités à explorer et à nous sentir à l’aise aux frontières, avec respect, ouverture et sens de l’accueil.

10. Une enquête auprès des communautés nationales en amont de l’Assemblée nous a amenés à nous pencher sur ces trois frontières particulières : Mondialisation et Pauvreté ; Famille ; et Ecologie. Nous avons reconnu l’importance de ces trois frontières contemporaines, aux côtés d’une quatrième qui a émergé durant nos délibérations : les jeunes.

11. Les points suivants représentent les champs pour des orientations d’actions que nous mettons en lien avec chaque frontière pour les cinq prochaines années. Les communautés nationales doivent garder à l’esprit que ces points représentent les intentions majeures de l’Assemblée et qu’ils doivent donc être interprétés et mis en œuvre selon les contextes locaux, nationaux et régionaux (lisez supranationaux).

12. Orientations pour l’action

Famille

  • Faire preuve d’ouverture, de compassion, de respect et de sensibilité envers les diverses réalités familiales de certains ;
  • Créer des processus de formation pour couples et familles, en collaboration avec d’autres.

Mondialisation et Pauvreté

  • Développer des outils spirituels aux fins de comprendre et de rencontrer de manière plus adéquate les défis qui se présentent à nous ;
  • Développer des réseaux de partage d’expériences et d’initiatives concrètes.

Ecologie

  • Développer une sensibilité destinée à respecter la création dans nos attitudes et nos actes ;
  • Développer des réseaux de partage d’expériences et de bonnes pratiques, tels que le Projet Amazone.

Jeunes

  • Impliquer les jeunes de manière significative dans la communauté ;
  • Développer une sensibilité pour les jeunes dans notre travail apostolique.

13. Engagements de l’Assemblée

  • Nous nous engageons à agir aux quatre frontières, partout où notre désir et notre discernement nous mèneront.
  • Nous poursuivons nos efforts de « réseautage » (constitution de réseaux) apostolique et de plaidoyer, en appliquant une approche de la base vers le sommet (« bottom up »). Nous ferons usage de nos outils ignaciens au sein même des médias sociaux digitaux (par exemple, « Jesuit Networking »).
  • Nous nous engageons à partager nos expériences et bonnes pratiques, telles que « Rincon de todos » et la vidéo des instruments de musique fabriqués à partir de matériaux de récupération.

14. Recommandations au Conseil exécutif mondial

  • Nous recommandons au Conseil exécutif mondial (ExCo) de promouvoir au sein de la CVX la compréhension de l’invitation que le père Nicolas nous a adressée d’acquérir la capacité de lire les signes nouveaux de la réalité contemporaine.
  • Nous recommandons à l’ExCo de constituer des commissions consacrées aux jeunes d’une part, aux Principes Généraux et aux Normes Générales d’autre part.
  • Dans la continuité de Fatima 2008, nous recommandons à l’ExCo de poursuivre le travail de facilitation de l’intelligence de ce que nous sommes en tant que communauté mondiale, sur les différents plans de la formation, de l’engagement, de la gouvernance, des finances, et de la collaboration avec d’autres. L’Assemblée estime également qu’il convient de clarifier davantage le thème de l’appartenance.

15. Ces suggestions plus concrètes témoignent du fait que nous sommes conscients que nous ne pouvons demeurer dans les nuages, pas plus que les disciples sur la colline de la Transfiguration. Après nous être réunis sur notre colline, avoir écouté le Fils bien-aimé de Dieu et discerné, nous savons que le Christ nous envoie au pied de la montagne, afin de nous engager dans nos vies quotidiennes et dans notre monde. Nous tentons de nous conformer à son appel, en compagnonnage avec Lui, forts de racines plus profondes et ouverts à des frontières toujours nouvelles.

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