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Sur les pas de celui qui allait devenir le Pape François – Episode 6

« Construire des ponts, pas des murs »

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 » La culture de la rencontre est la seule chose qui permette à la famille et aux peuples  d’aller de l’avant. Sur la frise de la cathédrale de Buenos-Aires est représentée la rencontre entre Joseph et ses frères…Il se trouve que cette scène a été réalisée à l’époque de la Réorganisation nationale afin d’exprimer le désir de rencontre de tous les Argentins…car nous, les Argentins, nous sommes particulièrement sectaires…se rencontrer ne coûte rien »…

 ( » Je crois en l’homme – Conversations avec Jorge Bergoglio » F.Ambrogetti et S.Rubin)

      • Le pape, l’imam et le rabbin, une amitié pour la paix

– « Pourquoi m’as-tu choisi ? » C’est la question qu’Abraham Skorka, recteur du séminaire rabbinique Marshall T. Mayer à Buenos Aires, a posée un jour à Jorge Bergoglio pour sonder une amitié qui gagnait en épaisseur. Le rabbin était venu présenter ses condoléances à l’archevêque de Buenos Aires après le décès de son frère. Le futur pape lui a répondu, pour seule explication : « C’est sorti de mon cœur. »

– «Nous avons rêvé de nous embrasser devant le mur des Lamentations pour donner un signe de paix aux 2000 ans de division entre juifs, chrétiens et musulmans.»

Du 24 au 26 mai 2014, le pape François s’est rendu à Amman, Bethléem et Jérusalem. Il a voulu que durant ce voyage, deux amis argentins l’accompagnent, le rabbin Abraham Skorka et le professeur Omar Abboud, ex-secrétaire du Centre islamique d’Argentine.
Ainsi, trois amis de longue date, un chrétien, un juif et un musulman, se sont réellement embrassés, dans un lieu de très haute valeur spirituelle. Cette accolade échangée entre François, Abraham et Omar se présente, sans naïveté, comme un geste prophétique.

Le rabbin Skorka, ‘imam Omar Abboud et le Pape François à Jérusalem

« Il est intéressant de repérer combien le dialogue inter-religieux fait maintenant partie, grâce au Pape François, de la doctrine sociale de l’Eglise. Dans La Joie de l’Evangile, il en est question à l’intérieur de la section « Le dialogue social comme contribution à la paix ». De fait c’est un dialogue qui prend en compte les questions de société (liberté religieuse, justice, etc.) et qui vise la paix sociale ; pour cela, il faut être capables de respecter les valeurs et la liberté des autres, sans fondamentalisme ni violence, comme le pape l’a redit dans son beau discours au Caire en avril 2017 « (Geneviève Comeau- Lourdes septembre 2017)

Dans « La joie de l’Evangile » (250) le Pape François nous dit:

« Une attitude d’ouverture en vérité et dans l’amour doit caractériser le dialogue avec les croyants des religions non chrétiennes, malgré les divers obstacles et les difficultés, en particulier les fondamentalismes des deux parties. Ce dialogue interreligieux est une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses.  Ce dialogue est, en premier lieu, une conversation sur la vie humaine, ou simplement, comme le proposent les Évêques de l’Inde, une « attitude d’ouverture envers eux, partageant leurs joies et leurs peines ». Ainsi, nous apprenons à accepter les autres dans leur manière différente d’être, de penser et de s’exprimer. De cette manière, nous pourrons assumer ensemble le devoir de servir la justice et la paix, qui devra devenir un critère de base de tous les échanges. « 

L’Osservatore Romano
      • Des liens entre l’Eglise d’Amérique latine et l’Eglise de France : des vies données pour un peuple, des frères au nom de l’Évangile

– Le 8 juin 2018, le Pape François a signé le décret reconnaissant le martyre « en haine de la foi » de Mgr Enrico Angelelli, évêque de La Rioja (Argentine), du prêtre français Gabriel Longueville, Fidei donum du diocèse de Viviers, du franciscain argentin Carlos de Dios Murias et du laïc Wenceslao Pedernera.

Gabriel Longueville, originaire d’Étables (Ardèche), avait été envoyé en Argentine en 1969 comme prêtre Fidei donum par son diocèse de Viviers, dans le cadre du Comité Épiscopal France Amérique Latine. Dans le diocèse de La Rioja, dans un secteur rural pauvre, il s’est consacré en particulier aux plus défavorisés. Avec Carlos Murias il a été enlevé à El Chamical, leur paroisse, le 18 juillet 1976. Quelques jours plus tard on les retrouvera criblés de balles, portant des traces de torture et les yeux bandés, sur un terrain vague de la ville. Leur mort est imputée à un militaire qui est déjà condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Quelques jours après, le laïc Wenceslao Pedernera, animateur de communauté rurale, a été tué chez lui de vingt balles, devant sa femme et ses trois filles.

Le 4 août suivant, l’évêque de La Rioja, Mgr Angelelli (du groupe d’évêques qui s’opposaient le plus ouvertement à la dictature militaire), rentrant d’une messe qu’il venait de célébrer en hommage aux deux prêtres, meurt dans un « accident de voiture », et la sacoche dans laquelle il transporte les documents prouvant leur assassinat disparait. Il faudra attendre 2014 pour que sa mort soit reconnue comme un assassinat, après l’envoi par le Pape François de documents faisant état de pressions.

La Rioja

 » La figure d’Angelelli a considérablement marqué Jorge Bergoglio…le futur pape était touché par la façon qu’avait l’ancien évêque de la Rioja d’être prophète, par son courage, son audace et son humilité. Certains mots du pape dans  » la joie de l’Evangile » font étonnamment écho aux lettres d’Angelelli. » (François d’Alteroche – La Croix 3/07/2014)

Enrique Angelelli, Gabriel Longueville, Carlos de Dios Murias, Wenceslao Pedernera, quatre noms parmi les quelque 30 000 « disparus » pendant la dictature argentine, qui représentent d’une certaine manière tous ces disparus, quel que soit leur état de vie… Quatre noms qui permettent de ne pas oublier les autres, même si tous n’ont pas lutté au nom de leur foi. Parmi ces 30 000 personnes, d’autres Français, une vingtaine, dont les religieuses Léonie Duquet et Alice Domon.  (source: CEF – service de la Mission universelle)

Alice Domon

Alice Domon

 Originaire d’un village du Haut Doubs, de famille nombreuse, d’agriculteurs, elle passe son enfance et sa jeunesse dans un environnement nourri par une vie de foi profonde et comme naturelle. Elle entre, à 20 ans, dans la Congrégation des Sœurs des Missions étrangères.

Envoyée en 1967 en Argentine, dans le diocèse de Moron. Elle y rencontre sœur Léonie Duquet, de la même congrégation, plus âgée et venue aussi du Haut Doubs, elles se lient d’amitié.

En lien avec les directives du Concile, l’évêque leur demande de rendre l’Église présente aux plus pauvres. Alice va vivre en plein bidonville à Villa Lugano, dans la banlieue de Buenos Aires. Puis envoyée en mission dans la province de Corrientes (1973), elle rejoint une petite communauté à Perrugoria où elle travaille dans les familles.

Le temps de l’épreuve : en 1975, face à la violence commise par la dictature militaire, Alice renonce aux privilèges de son statut de religieuse et quitte la protection de son institut. Elle part vivre à Buenos Aires, où elle retrouve Léonie Duquet. Elle aide deux jeunes filles à être libérées. Elle soutient les Mères de la place de mai, avec qui elle travaille à élaborer une liste des disparus. Avec une dizaine de militantes du Mouvement œcuménique des Droits de l’homme, elle est enlevée le 8 décembre 1977 à l’église de Santa Cruz. Torturée et assassinée, son corps n’a jamais été retrouvé. Son amie Léonie a été arrêtée deux jours plus tard, elle est aussi torturée et assassinée.

Avant sa disparition Alice avait écrit à Mgr Guyot, archevêque de Toulouse: «Pour sauver ma personne, je vous demande de ne rien faire qui puisse nuire à la vie et aux biens d’autres personnes, j’ai déjà fait le sacrifice de ma vie».

 

Les lettres d’Alice, que nous a partagées sa sœur Gabrielle, membre de la CVX, disent

– Une trajectoire lumineuse, nourrie de la Paix et de la Joie trouvées dans l’amour du Christ et des autres, avec la prière et l’engagement au cœur de l’action:

«Le principal danger, laisser de côté la vie d’oraison, de prière parce qu’on ne peut l’envisager comme dans une autre communauté; on ne peut pas prétendre réciter l’office dans notre petit cabanon, mais il faut trouver une autre forme de rencontre réelle avec le Seigneur …, sinon ce sera un échec comme ce le fut pour tant d’autres.. . »

« L’engagement ne se fait pas une fois pour toutes, loin de là, je peux te le dire par expérience. Il semble quelquefois que tout est facile un jour, mais peu après on sent le poids de ce qu’on a accepté généreusement ; seulement ne va pas croire que c’est seulement un mauvais moment, non, je crois que c’est un état des gens limités et pauvres que nous sommes tous, sur un plan ou sur un autre…. Je crois qu’il n’y a qu’un chemin mais que chacun doit le faire en marchant, en butant, en s’éloignant, en revenant sur ses pas, et que cela doit durer jusqu’à la mort. La vie religieuse est une vie d’amour de Dieu et des autres. »

– Une vie ancrée dans l’espérance, animée par l’amour de tous ses frères et dans la pauvreté vécue  comme valeur évangélique:

«Personnellement, je sens que tous les gens que je rencontre, avec qui je partage la vie, les angoisses et les espérances, sont pour moi le visage de l’amour, je ne pourrai jamais les oublier, même s’ils se succèdent dans ma vie, ce sont eux qui donnent un sens profond à ma vie.»

«Tout le monde croit qu’ils sont mauvais, rien que parce qu’ils vivent dans un bidonville, mais tous les jours on découvre, nous, comme ils sont bons, comme ils savent s’entraider les uns les autres. Des fois on finit par se dire qu’ils sont plus chrétiens que nous, parce qu’ils ressemblent quelquefois tellement à ce que faisait ou disait le Christ, qu’on reste en admiration. »

– Au temps des persécutions, elle relit la Passion pour comprendre et pour aider:

«Nous continuons à avoir pas mal de peine, avec nos jeunes gens qui disparaissent ou bien qui sont faits prisonniers. Enfin, Dieu le Père est passé par là avec son Fils. Il semble que la Passion se vit entièrement ici, pourvu que nous puissions croire en la Résurrection»

« Je me sens vraiment en communion avec tant de familles qui souffrent le même drame. Nous essayons de chercher la réponse du Seigneur à la lumière de l’évangile. Nous méditons en petits groupes les textes du dimanche suivant. C’est notable comme la souffrance peut faire grandir les gens autant qu’elle peut les détruire…Je suis tellement convaincue que cette situation de Passion est profondément unie à celle du Christ et qu’elle précède la Résurrection. » `

La Parole au cœur de la vie d’’Alice (qu’elle a le plus soulignée dans sa Bible) : Jean 15, 1-17

Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.

Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.

 Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite.

Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.

 Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.

 Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous.

Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples.

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.

 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.

 Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.

 Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.

 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.

 Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.

Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean, chapitre 15